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About

Thomas Block Humery born in Paris in 1971 is a French German artist living and working in Paris. He received a Master of Arts degree from Panthéon-Sorbonne University.

After a decade dedicating his photographic work on young people of Nordic countries and showing his work in Reykjavik, Rovaniemi, Cologne or The Hague, Thomas Block Humery started around 2010 focusing his work on « The Great American Vernacular Encyclopedia ». This tranversal project  in constant progress including photography, books, installations and visual art explores the American territory as ordinary and transcendent experience. In his perambulation, he examines the mundanity as an enigmatic source of mystery and poetic revelation, a world both literal and cryptic. With Marguo Gallery in Paris, this specific work will be published in a series of volumes starting with « The Sleeper » produced in Utah available in November 2021, followed by Mineral Motel ( Nevada, Arizona ) and Delta Delta ( Louisiana, Mississippi, Alabama ) in 2023.

 

Texts

Brilliant text by multi-talented Johann Bertelli ( director and photographer ) about “The Sleeper” and beyond that, the best attempt to put words on my work.

The Great American Vernacular Encyclopedia
vol.1 The Sleeper
La libération de l’imaginaire intérieur. Tout autant celle du lecteur que du photographe lui-même.
Voilà l’expérience à laquelle nous convie Thomas Humery avec « The Sleeper ». Une lumière
rouge vient éclairer un buisson dans la nuit. Une image qui peut apparaître au premier abord
anodine. Mais qui, pour peu qu’on se laisse prendre au jeu, convoque la question de notre
perception : d’où vient cette lumière ? Une mise en scène du photographe avec un projecteur ?
Un lampadaire de rue ? Les phares d’une voiture ? Une enseigne publicitaire ? La liste pourrait
être longue. Et c’est là où subrepticement s’insinue une forme d’inconnu dans une apparente
banalité du réel. « The Sleeper » se lit et se relit avec une double perspective. Celle en premier lieu
du naturalisme, se rapprochant d’une nouvelle objectivité appuyée par la technique documentaire
avec des prises de vue à la chambre. Mais un second sentiment vient supplanter la prémisse
originale : un mystère, comme un léger trouble de la réalité. Pour beaucoup d’entre elles, ce ne
sont pas des photographies qui s’imposent comme des évidences esthétiques, thématiques ou
narratives. Le lecteur est mis face à son propre regard. Ne pas attendre que l’image lui dise
immédiatement ce qu’il doit penser ou ressentir. Car après tout, qu’est-ce que l’acte de voir ?
C’est ce que semble nous demander Thomas Humery à travers une jeune femme qui se couvre les
yeux de ses mains. Est-elle en train de se réveiller ou désire-t-elle au contraire retourner dans ses
rêveries ? Ou alors subtilement glisser dans une autre perception du réel qui se rapprocherait
d’une vérité plus intérieure, et donc plus personnelle ?
Le titre « The Sleeper », le dormeur, prend tout son sens en établissant une analogie avec le
photographe et l’acte même de photographier. Dans un premier temps, le dormeur crée son rêve
en le vivant dans son sommeil, tout comme le photographe lorsqu’il se trouve physiquement sur
le lieu qu’il désire capturer. Puis vient la phase de réveil où seule subsiste une reconstruction du
rêve, presqu’un résidu d’éléments divers, où la confrontation à la réalité vient immédiatement
réécrire l’histoire. Lorsque le photographe appuie sur le déclencheur de son appareil, il entre lui
aussi dans cette seconde phase : l’image imprimée n’est qu’une version de la scène qu’il a vécu et
tenté de retranscrire. Nous n’avons souvent que des bribes de souvenirs de nos rêves, comme des
flashs, tels justement des images. Des suites d’images auxquelles nous essayons de trouver une
narration lorsque nous sommes réveillés, qu’elle soit cohérente ou poétique. Ce même
mouvement s’orchestre dans l’élaboration d’un livre photographique. Par deux fois, Thomas
Humery nous montre un couple qui, chacun à leur tour, mettent leurs mains sur la tête de l’autre :
un geste à l’apparente simplicité qui pourtant recèle un univers d’interprétations possibles. L’un
cherche-t-il à voir les rêves et les pensées de l’autre ? Ou s’agit-il d’un adoubement religieux dans
un Etat, l’Utah, où la pratique de la théologie du mormonisme est omniprésente ? « The Sleeper »
ouvre au lecteur un monde aux multiples ramifications qu’elles soient d’ordre géographiques,
historiques ou sensorielles. L’important réside autant dans ce qui est montré dans le champ de
l’image que dans le hors champ, qu’il soit physique ou mental.
Malgré tout, Thomas Humery ne lâche pas le lecteur entièrement dans la nature. « The Sleeper »
n’est que le sous-titre de son projet global : « The Great American Vernacular Encyclopedia ».
Représenter des aspects typiques des Etats-Unis d’Amérique en évoquant la forme de
l’encyclopédie. S’entrecroisent des évocations plus précises, vernaculaires, de ce qui définit cet
Etat ou le pays en général, à la fois en termes culturels, architecturaux ou géographiques. Tout
comme une grande liberté est offerte au lecteur, Thomas Humery s’offre en retour une liberté qui
est assez rare dans ce type de projet pour être soulignée. Il assume la mise en scène de divers
objets comme autant d’indices dans la tentative de compréhension d’une portion de territoire :
des images de livres, de cartes postales, d’une cassette vidéo, et allant même jusqu’à la mise en
abîme d’une photographie d’un astronaute sur la Lune… Mais, dans une double lecture, et c’est

plutôt en ce chemin que se déploie l’œuvre de « The Great American Vernacular Encyclopedia »,
ces éléments sont disposés pour nourrir non pas tant une vision du monde extérieur qu’une
redécouverte de son propre imaginaire. La démarche de Thomas Humery évoque celle de Jean-
Jacques Rousseau dans « Les rêveries du promeneur solitaire » (1778) où ce dernier relie sa
pratique de la philosophie à celle de la marche et à son activité d’herboriste. « The Sleeper » serait-
il le premier volume d’une nouvelle forme d’herborisation photographique ? En un sens oui. Mais
une herborisation photographique mouvante, avec cette particularité de pouvoir être propre à
chacun selon sa sensibilité d’interprétation, ou pour être plus précis, selon sa réappropriation
personnelle de chaque élément montré. Que sont d’ailleurs au fond ces éléments ? Roland
Barthes, dans « La cuisine du sens » (1964), nous éclaire : «Un vêtement, une automobile, un plat cuisiné,
un geste, un film, une musique, une image publicitaire, un ameublement, un titre de journal, voilà en apparence des
objets bien hétéroclites. Que peuvent-ils avoir de commun ? Au moins ceci : ce sont tous des signes. (…) Déchiffrer
les signes du monde, cela veut toujours dire lutter avec une certaine innocence des objets. » L’entreprise
photographique est un univers de signes, dont l’aventure est d’aller au-delà du rêve pour nous
offrir ce qu’il y a de plus obscur et pourtant si vital : du sens. Le sens de l’objet en soi qui devient
l’objet pour soi. La signification ne réduit pas le potentiel d’imaginaire développé au sein de « The
Sleeper » mais l’extrapole en allant chercher autre chose dans l’immanence de son sujet : la
transcendance, de l’ordinaire et du merveilleux. Un transcendantalisme qui s’enracine dès le XIXe
siècle sur le territoire même de l’Amérique par le biais notamment du philosophe Ralph Waldo
Emerson, et dont l’influence infusera dans des photographes pionniers tels que Alfred Stieglitz
ou dans une certaine mesure William Eggleston. Avec une démarche contemporaine, Thomas
Humery empreinte leurs pas tout en y ajoutant son propre rapport intime au medium lorsqu’il
nous fait comprendre une chose essentielle : il serait vain de tenter d’arriver à une encyclopédie
objective. Le vernaculaire d’un lieu est toujours retravaillé inconsciemment par le vernaculaire de
la vie du photographe et du lecteur. « The Great American Vernacular Encyclopedia » engage un
dialogue tripartite qui prend plusieurs aspects, sans en déterminer aucun de définitif. Les trois
côtés d’un triangle qui constitue ce voyage introspectif, et dont la forme géométrique revient à
proprement dite dans plusieurs images.
Creusant dans ce sens, une seule photographie donne à voir clairement le visage de deux
personnes. La présence de l’être humain, au sens physique du terme, n’est que furtive. Un jeu de
pistes, pas si éloigné de la reconstruction d’un rêve, est à l’œuvre au cœur du livre : des vêtements
disséminés au pied d’un grillage, des engravures de noms dans le tronc d’un arbre, un doigt
indiquant un lieu, des traces de pas dans la terre, des filets de lumière d’une voiture déjà disparue.
Thomas Humery fait se confronter le quotidien avec le mystique. La perte d’échelle et la couleur
aux accents surnaturels du paysage de Monument Valley communique avec la simple vue d’une
fenêtre et ses rideaux baignant dans une lumière rouge. Tout comme ces visages qu’on devine à
peine, ces photographies se transforment en fantasmes. Elles dépassent la simple valeur de signes.
Et c’est là que « The Sleeper » touche au but : une vision encyclopédique de l’Amérique ne peut
être qu’une vision fantasmée, nourrie par tout le cortège d’images qui prévalent à ce pays. Croire
à ce qu’on voit ou à ce que l’on ressent ? Le choix de l’Utah comme introduction à « The Great
American Vernacular Encyclopedia » est pertinent dans cet Etat qui fait se mesurer deux des
composantes majeures des Etats-Unis : la force des paysages naturels et la présence de la religion,
ou pour le moins de ses traces et son influence dans la société. La Nature et la Foi. Toutes deux
sont aussi à l’œuvre dans la pratique du photographe : être dans un réel tout en le percevant avec
ses croyances. Une perception teintée de mélancolie dans le travail de Thomas Humery. Une telle
sensibilité se retrouve dans le mouvement du Romantisme né au XIXe siècle. Pour autant, ses
photographies ne peuvent être considérées comme purement romantiques. Il y ajoute une vision
qui nous frappe par l’analyse des simulacres du réel, une tentative de nous faire percevoir ce
sentiment « d’hyperréalité », décrit par Jean Baudrillard, qui se diffuse dans notre monde
contemporain. Tout ne serait qu’illusion. Pourtant la réalité est bien là. Mais sous quelle forme ?

Le photographe en est à la fois l’instrument et le créateur. Que ce soit au travers d’un carrefour
d’une ville de l’Utah ou d’un simple bidon d’huile posé à l’arrière d’une voiture, l’image n’est plus
seulement là pour « illustrer », elle devient mentale, prenant même certains atours existentiels. Le
territoire américain ne se construit pas selon le dessin précis d’une carte géographique : il ne s’agit
pas tant d’y trouver son chemin que de se confronter à sa propre perception de la réalité. Dans
« The Sleeper », l’absence répétée de l’humain dans des rues désertes pose la question du vide de
l’Existence. Au cœur de cette Amérique, et même de manière plus générale, quelle place a l’être
humain dans cette vie, à la fois dans la société qu’il a lui-même bâtie et dans la nature qui
l’entoure ? Thomas Humery y répond avec une honnête douceur et une certaine appréhension,
incarnées par l’image de ce couple où l’homme serre tendrement sa compagne comme pour la
protéger d’un mal inconnu. Le réel est-il si violent, de façon évidente ou cachée, qu’il aurait
besoin d’être romantisé ? Ou d’être transformé en un simulacre transcendant sa condition ? La
réponse appartient à chacun.
A travers son traitement esthétique et narratif, une parenté s’établit avec David Lynch, dont
notamment les films « Twin Peaks » (1992) et « Mulholland Drive » (2001), véritables œuvres de
rêves éveillés où un simple signe fait se mélanger le profane et le sacré, où la mélancolie voisine
avec le mystère, dans une Amérique où la réalité et l’imagination sont inextricablement
mélangées. Un pays dont l’identité doit autant à la véracité des faits qu’à sa réinterprétation
historique sous quelques supports artistiques que ce soit. Le passage régulier de photographies en
couleur à d’autres en noir et blanc vient rythmer cette sensation de mouvement perpétuel entre
rêve et éveil. Il active nos sens, pour ne pas, pourrait-on dire, s’endormir sur ce que l’on croit déjà
connaître. Aussi étrange que cela puisse paraître, Thomas Humery essaie de rendre l’invisible plus
présent que jamais.
Dans ce premier chapitre introductif, « The Great American Vernacular Encyclopedia » trouve un
écho dans les vers d’un poème de Paul Valéry tiré de son quatrième Cahiers «Cartesisus redevivus»
(1911) :
Ô mes étranges personnages, pourquoi ne seriez-vous pas une poésie ?
Toi, Présent, et vous Formes, et vous Significations, Fonctions et Phases et Trames.
Toi, acuité de la netteté et point, et toi l’informe le latéral ?
Cette espèce de re-création, que ne chanterait-elle pas ?
Mais que d’exercices avant de se rompre à sa propre pensée !
Penser librement cette pensée, ces éclairs, ces moments séparés – les penser en nature même.
Et après la recherche des éléments purs, les épouser, les être, les faire enfin vivre et revivre…

Johann Bertelli

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